Eco-Medina Marrakech
Fiche Technique : "Éco-Medina" – La renaissance artisanale et écologique de la ville ocre
Contexte : un patrimoine vivant menacé par la standardisation touristique
À Marrakech, où près de 30% des ateliers d’artisanat traditionnel ont fermé leurs portes depuis 2015 (Chambre d’Artisanat, 2024) et où les déchets plastiques ont envahi les ruelles, le programme Éco-Medina propose une alternative ambitieuse. Porté par la Fondation pour le Développement Durable de Marrakech (FDDM) avec l’appui de l’UNESCO et de la Région Marrakech-Safi, ce projet transforme depuis 2023 les métiers traditionnels en leviers d’économie circulaire.
Un laboratoire à ciel ouvert
Le cœur du dispositif repose sur trois axes complémentaires :
Les ateliers-écoles écologiques : Installés dans des riads restaurés, ces espaces forment chaque année 120 jeunes aux métiers du cuir, du bois et de la céramique, en intégrant des techniques zéro déchet. Les maâlems traditionnels y côtoient des designers contemporains pour créer des pièces hybrides, comme ces babouches en cuir végétal teint aux pigments naturels.
La "Charte des Souks Verts" : Adoptée par 84 commerçants de la médina, elle impose le bannissement des sacs plastiques et la valorisation des chutes de matériaux. Un système de consigne pour les emballages en terre cuite, inspiré des jarres ancestrales, a déjà permis de réduire de 60% les déchets dans la zone pilote (étude WWF Maroc, 2024).
Le circuit "Artisanat Carboneutre" : Grâce à un partenariat avec l’Université Cadi Ayyad, chaque atelier labellisé compense ses émissions résiduelles par la plantation d’arbres dans la palmeraie, créant ainsi un nouveau métier de "jardinier du carbone".
Impacts mesurables et dynamique collective
Les premiers résultats, évalués par l’Observatoire Urbain de Marrakech, révèlent une transformation tangible :
78% des artisans formés ont vu leurs revenus augmenter d’au moins 40%, grâce à la valorisation de leur production "verte" sur des plateformes comme Etsy ou Selency.
La collecte sélective des déchets artisanaux a permis de recycler 12 tonnes de chutes de cuir et 8 tonnes de bois en six mois.
Le parcours touristique "Éco-Souk", développé avec les guides officiels, attire 35% de visiteurs en plus dans les ruelles moins fréquentées de la médina.
Innovation sociale : le "Waqf Artisanal"
Pour pérenniser les savoir-faire, le projet a créé un fonds de dotation alimenté par 5% des ventes des produits labellisés. Ces fonds financent :
Des bourses pour les jeunes apprentis
L’accès à des soins médicaux pour les artisans âgés
Un système mutualisé de machines écologiques (découpe laser solaire, teinturerie biologique)
Défis et enseignements
Malgré son succès, le programme se heurte à trois obstacles majeurs :
La résistance de certains fournisseurs traditionnels aux matières premières durables
Le manque de reconnaissance internationale du label "Éco-Artisanat Maroc"
La pression immobilière qui transforme les ateliers en boutiques de souvenirs standardisées
Témoignage d’une transition réussie
"Mes grands-parents travaillaient le cuir avec des techniques naturelles qu’on avait oubliées. Aujourd’hui, nos ceintures en cuir d’olivier se vendent à Paris", explique Fatima-Zahra, 26 ans, dont l’atelier emploie désormais quatre personnes. Son parcours montre comment l’écologie peut redonner du sens au métier d’artisan.
→ Comment s’impliquer : Les inscriptions pour la formation 2025 sont ouvertes jusqu’au 15 octobre via le site EcoMedina.ma. Un marché mensuel "Made in Médina Durable" permet aux visiteurs de soutenir directement les artisans labellisés.
(Cette analyse s’appuie sur les données du Plan de Développement Durable de la Médina, les recherches de la Chaire UNESCO "Patrimoine Vivant" et des entretiens avec les acteurs locaux. Elle démontre comment l’artisanat peut devenir le fer de lance d’une transition écologique inclusive.)